Plonger dans la vie marine d’hier pour mieux comprendre les problèmes climatiques d’aujourd’hui

(Source de l’image : Fiona Whitaker)

Hilary Corlett est professeure adjointe de paléontologie à la Memorial University of Newfoundland and Labrador. Chercheuse en début de carrière, elle étudie les roches qui contiennent des fossiles d’espèces marines pour comprendre les répercussions des changements climatiques sur les espèces à différentes époques de l’histoire de la Terre. Ces travaux permettent également d’en savoir davantage sur les défis que posent les changements climatiques aujourd’hui.

Pouvez‑vous décrire votre programme de recherche?

J’étudie les formes anciennes de vie marine, soit la faune et la flore figées dans la roche, pour connaitre les conditions qui existaient il y a des centaines de millions d’années. Cela nous aide d’une part à comprendre pourquoi un écosystème donné a pu se développer ou est disparu et, d’autre part, à approfondir nos connaissances sur les problèmes liés à la vie moderne. Bien sûr, on ne peut pas simplement plonger un thermomètre dans l’océan pour savoir quelle était sa température il y a 380 millions d’années! Nous utilisons des indicateurs géochimiques qui peuvent nous renseigner sur le processus de formation d’un minéral donné et sur la température des eaux à cette époque. Ma recherche cible les périodes les plus « intéressantes », par exemple : les périodes de grands changements climatiques, celles qui précèdent les extinctions ou celles au cours desquelles la biodiversité change de façon notable. J’examine les propriétés physiques et chimiques du milieu marin qui pourraient avoir provoqué ces changements.

J’essaie aussi de déterminer comment les communautés d’organismes ont produit les sédiments qui se sont transformés en roches, et comment ces roches pourraient avoir été modifiées entre le moment où elles se sont formées et aujourd’hui, le moment où elles sont analysées. Il est possible que certaines modifications géochimiques des roches nous amènent à conclure à tort qu’un événement important a eu lieu, alors qu’en réalité, ces modifications sont peut‑être le fruit d’une interaction survenue des millions d’années plus tard. Il y a toujours un risque qu’on interprète mal ce qu’on observe lorsqu'on ne fait que « gratter la surface ».

Quels sont les lieux que vous avez choisis pour vos travaux?

Pour mon programme de recherche actuel, je travaille aux Bahamas et à Abou Dhabi, car il y a là des milieux semblables aux environnements du passé que nous cherchons à mieux connaitre. Certaines formes de vie anciennes n’ont pas d’équivalent moderne, mais bon nombre des organismes qui vivaient dans les anciens océans sont semblables ou apparentés à des organismes qui existent aujourd’hui et qui occupent la même niche écologique. Sur le plan géologique, il s’agit de deux lieux très intéressants qui nous aident à faire la lumière sur le passé, car ils se situent dans des zones très différentes : l’un dans une zone humide et l’autre, dans une zone aride. Mes travaux en ces lieux me permettent aussi d’en apprendre plus sur ce qui menace aujourd’hui certains organismes : en étudiant le passé, je constate les cycles au fil du temps, ce qui peut aider à déterminer les menaces à surveiller aujourd’hui. Le passé et le présent sont complémentaires : j’aime appliquer mes connaissances du monde moderne au passé et prendre mes connaissances du passé pour les appliquer au monde actuel.

Vous parlez ouvertement de votre mobilité réduite. Comment affecte‑t‑elle vos travaux de recherche?

Je suis atteinte d’arthrogrypose, un handicap qui touche le bas de mon corps, surtout au niveau des articulations et des muscles. À cause de l’évolution de la maladie, qui a causé de l’arthrite, je dois me déplacer avec des béquilles. Curieusement, ces aides ont accru ma mobilité et me permettent de parcourir maintenant de plus grandes distances. Heureusement, je suis une très bonne nageuse et je peux faire une grande partie de mes travaux de recherche dans l’eau. Par contre, lorsque je dois me rendre sur le terrain dans des régions accidentées, comme les montagnes Rocheuses par exemple, le travail peut être difficile, et je dois en parler ouvertement. Mis à part la toute première fois que j’ai tenté de m’inscrire au programme de géologie (et qu’on m’a dit que ce n’était pas pour moi), j’ai généralement été entourée de personnes qui m’appuient. Comme je suis issue d’une famille de géologues, personne n’a été surpris lorsque j’ai choisi de me spécialiser en géologie au baccalauréat. Je crois que la principale frustration lorsqu’on a une mobilité réduite tient au fait que les gens vous imposent ce qu’ils pensent que vous pouvez et ne pouvez pas faire. Pour moi et pour toutes les personnes qui ont un handicap, pas une journée ne passe sans que nous pensions à ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire — cela fait partie de notre quotidien. C’est pourquoi il est frustrant de se faire dire par quelqu’un d’autre qu’on ne peut pas participer à une expédition ou accomplir une tâche parce qu’on ne serait pas capable de marcher à cet endroit. Pour moi, c’est particulièrement frustrant lorsque je connais le site et que je sais que je peux le faire. Et quand ce n’est pas le cas, je peux généralement trouver un moyen de contourner le problème, même si ce n’est pas toujours l’option la plus économique ou la plus rapide.

En tant que chercheuse en début de carrière, quelle importance le financement du CRSNG a-t-il eu dans votre programme de recherche?

Ce fut tout un soulagement de recevoir une subvention du CRSNG! Nous avons la chance au Canada de pouvoir recevoir du financement pour des programmes de recherche, et non seulement pour des projets de recherche, comme c’est le cas dans de nombreux autres pays. Ce financement me permet de dégager du temps, de sorte que je n’ai pas à passer la majorité de mon temps en début de carrière à préparer des demandes de subvention. Il me permet aussi d’embaucher du personnel étudiant. C’est très important, car je voulais pouvoir encadrer des étudiantes et étudiants du premier cycle et des cycles supérieurs, et les aider à faire avancer leur carrière. Je trouve stimulant de travailler avec eux; leurs questions me font réfléchir et renouvellent ma passion pour la science!

Cette chercheuse a reçu une subvention à la découverte et un supplément Tremplin vers la découverte du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Consultez la Le lien suivant vous am�ne � un autre site Web page Web (site en anglais seulement) de Hilary Corlett pour en savoir davantage sur ses travaux de recherche.

Cette entrevue a été adaptée à des fins de clarté et de concision, puis traduite.

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